Ce qui suit est le texte intégral du document publié par le Ministère de l'information dans «Notes documentaires et études», n°140, du 8 septembre 1945. Quand une information a ultérieurement été rectifiée ou semble excessive au regard des recherches historiques, je me permets de glisser une ligne intercalaire colorée en bleu et en petits caractères.
Malheureusement, la plupart des détails étaient communs à l'ensemble des camps: suspension à des crochets, application de coups de fouets, pendaisons publiques. Je vous invite à distinguer ce qui était du strict respect de la «discipline» des châtiments plus extraordinaires de ce camp-là.
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MINISTÈRE DE L'INFORMATION
le 8 septembre 1945
Direction des Informations
27, du Mont Thabor, Paris (1er)
NOTES DOCUMENTAIRES ET ETUDES N°140 («ORDRE NOUVEAU» ET COLLABORATION. IX) Le camp de concentration de Struthof (Bas-Rhin) et l'activité de l'Institut d'Anatomie de Strasbourg pendant l'occupation allemande
I. RAPPORT OFFICIEL sur une inspection au camp du Struthof (Bas-Rhin), (1er janvier 1945)
Le camp de Struthof est situé sur le territoire de la commune de Natzwiller, à 8 kilomètres du village, et desservi par la gare de Rothau.
Edifié par les Allemands en 1940 sur un plateau, à 800 mètres d'altitude, il a une capacité de 3000 places.
A la libération de Strasbourg, les autorités allemandes du camp ont été surprises, et tous les dossiers sont restés sur place, ainsi que certains internés qui ont été libérés.
Il est établi à l'heure actuelle, aussi bien par les témoignages que par l'examen des dossiers, que des atrocités ont été commises à Struthof.
J'ai signalé par ailleurs que le camp comporte une salle d'autopsie, un four crématoire, et une infirmerie très bien organisée. Il possède aussi une chambre à gaz, avec éclairage intérieur et hublots vitrés, une salle de douches et des chambres nues servant pour les exécutions.
D'après le Commandant du Service de Renseignements, qui, assisté d'un groupe d'officiers, a été chargé d'identifier les internés français ayant séjourné à Struthof, il est établi que :
1) Dans la salle d'autopsie, des opérations de vivisection ont été pratiquées (par le Professeur Hirth, chef de l'Institut Anatomique de Strasbourg, de 1941 à 1944).
Si par vivisection, on entend la pratique d'expériences douloureuses sans utiliser d'anesthésiques, ceci est vrai (par exemple pour les phlegmons causés par l'application de gaz moutarde sur des prisonniers). Mais il n'a pas été démontré suffisamment pour être soutenu en justice que des dissections de sujets vivants - dans la salle d'autopsie - aient été pratiquées. Les expériences médicales se déroulaient ailleurs, par exemple dans une chambre spéciale du bloc 5 qui a été construite en 44.
Il faut cependant constater que jusqu'à HUIT baraques sur une quinzaine (un record) ont été utilisées comme des infirmeries, et ce chiffre en lui-même laisse penser à des expérimentations, qu'on parle de vivisections ou plus simplement d'expériences inhumaines. Nous citerons plus loin le témoignage d'un prisonnier ayant travaillé quelque temps dans un des Revier.
Le document contient quelques fautes d'orthographe portant sur les noms propres (Hirth pour Hirt, Haagen ou Hagen pour Eugen Hagen qui s'affublait d'une particule, et d'autres qu'on voit plus loin; on y voit même des fautes d'orthographe grossières portant sur les noms communs, il ne faut cependant pas oublier que cette partie du rapport a été écrite en moins d'un mois après la libération de Strasbourg, avant même qu'Auschwitz soit libéré)
2) Dans la chambre à gaz, il a été fait un essai de gaz vésicant sur 19 femmes juives, enfermées ensemble, préalablement déshabillées devant le personnel, et dont l'agonie a duré un quart d'heure sous les yeux des médecins qui suivaient les progrès de l'intoxication (les cris ont été entendus par les voisins du camp).
Je n'ai rien trouvé sur ce point. Il me paraît vraisemblable que ce soit un groupe de femmes ayant été gazé parmi les 86 victimes d'août 1944, et que ce témoignage se confonde donc avec l'ensemble de ceux sur les gazages destinés à la collection de squelettes de Hirt.
3) A l'infirmerie étaient faits des essais de traitements sur les malades, un médicament désigné étant uniformément employé pendant un mois, quelle que soit la maladie. Après cette période, quel que soit l'effet produit, le traitement était arrêté et les malades abandonnés à eux-mêmes. L'effet des médicaments dans chaque cas était séparément observé et noté.
4) En outre, des maladies ont été volontairement données à des sujets sains pour faire des expériences: greffe de tissus cancéreux notamment et il a été trouvé un rapport dans lequel le médecin du camp, qui avait demandé l'envoi d'une centaine de nomades pour une expérience, protestait parce que seule une dizaine d'entre eux étaient susceptible de la supporter. Une cinquantaine de nomades de plus lui furent d'ailleurs, paraît-il, envoyés
Je n'ai aucune donnée sur les tissus cancéreux, mais pour le second point il s'agit des expériences de Hagen sur le vaccin contre le typhus, pratiquées sur des Tziganes. Il inocula une souche virulente typhique à un groupe témoin de 40 sujets non vaccinés versus 40 sujets vaccinés et provoqua une épidémie de typhus dans le camp qui commença d'ailleurs dès les vaccinations, mais prit son ampleur avec la souche virulente. Ceci amena les protestations des S.S. qui craignaient d'être atteints également.
5) Des opérations de stérilisation volontaire ou forcée étaient pratiquées chaque semaine : les statistiques mensuelles en font foi.
Je n'ai aucun document non plus là-dessus, mais il n'y a aucun doute que des expériences aient eu lieu au Struthof ou dans la région d'influence de l'Université de Straßburg: voir en fin de ce document le rapport médical sur les coupes histologiques de testicules retrouvées à Strasbourg et montrant la trace d'injections sclérosantes.
Les griefs retenus lors du procès des médecins du Struthof n'ont retenu que ce qui était incontestable en ce qui concerne directement les accusés: les expériences avec le gaz moutarde ayant entraîné 3 décès; les expériences sur le typhus; les expériences sur le gaz phosgène et ses antidotes; et enfin le gazage de 86 juifs pour la constitution d'une collection de squelettes. Ceci n'empêche pas que d'autres expériences aient eu lieu, mais la justice ne pouvait faire état que de faits prouvés autrement que par des témoignages isolés, et même s'ils étaient prouvés suffisamment, ils devaient pouvoir aussi être avec certitude reprochés aux accusés. Soit l'inverse exact du reproche toujours répété des «révisionnistes» sur les simples ouï-dires.
6) Dans les salles spécialement aménagées (sol en ciment incliné, avec, au centre, grille d'écoulement des eaux), des internés étaient exécutés par coups de revolver dans la nuque ; le tueur du camp percevait pour chaque exécution deux décilitres d'eau-de-vie, un morceau de saucisse et deux cigarettes. Cet individu, devenu fou à sa 360ème exécution, a été exécuté à son tour.
On a retrouvé les impacts de nombreuses balles sur le sol de la salle du sous-sol du crématorium et même une balle sous la grille d'écoulement.
7) Les punitions corporelles suivantes étaient appliquées :
a. Distribution de coups de nerf de boeuf ; l'interné était placé sur un chevalet après avoir préalablement été douché à l'eau chaude pour lui assouplir la peau. Il recevait les coups en présence des autres internés, nus, devant lui succéder, et obligés de chanter pendant l'opération. Après un certain nombre de coups, le patient évanoui était jeté dans une baignoire d'eau glacée, et, s'il ne revenait pas à lui, était porté à la morgue et au four crématoire.
b. Pendaison par les bras liés derrière le dos, à des crochets placés dans une chambre étanche, dans laquelle une tuyauterie amenait de l'air chaud ; le patient, les épaules désarticulées, résistait rarement à un chauffage un peu prolongé. Enfin, on fait remarquer que le four crématoire, qui brûlait les corps placés sur un chariot métallique, chauffait, en service, l'appareil à douches utilisé pour la préparation aux bastonnades.
Il est vrai que le four crématoire pouvait également chauffer de l'eau, mais c'était un système d'appoint. Le camp était suffisamment pourvu de chauffe-eau normaux, et l'image de S.S. prenant des douches avec l'eau chauffée par les crématoires a été trop souvent montée en épingle, au point que les "révisionnistes" ont beau jeu de faire valoir son aspect caricatural.
Les cendres des corps n'étaient pas toujours déposées dans des urnes (on brûlait jusqu'à cinq et six corps à la fois) : elles ont, à un certain moment, été répandues dans le jardin du camp ; des ossements calcinés en ont été retirés. Le Commandant les a fait recueillir et placer dans des urnes funéraires.
8) Enfin, lors des tentatives d'évasion, tout interné abattu par un gardien rapportait à celui-ci une permission exceptionnelle de 5 jours. Il est prouvé que, dans bien des cas, des internés ont été abattus pour avoir, sur ordre du chef de baraque, dépassé de quelques mètres le périmètre de sécurité du camp, ce qui permettait au gardien d'avoir une récompense. Il est aussi établi que, lorsqu'un interné déplaisait au chef de baraque nazi, il était invité, par son chef de chambre, à se pendre, et de nombreux cas de suicide ont été enregistrés.
Le Commandant précise que le camp a contenu jusqu'à 7000 internés à la fois, se décomposant en quatre groupes :
Il y a eu 7000 prisonniers dans la dernière période, où on a regroupé des camps. L'effectif prévu était de 1500. Il a commencé à 2000, puis la moyenne était 4000. Les détenus partaient parfois vers des commandos extérieurs où ils restaient: les commandos du Neckar où les N.N. ne pouvaient aller et les commandos extérieurs plus lointains du Wüautrtemberg, tels celui de Vahingen où on a trouvé 1500 cadavres de déportés enterrés dans des fosses communes. Vers la fin 14000 détenus travaillaient dans 18 commandos extérieurs. Certains auteurs ont dénombré 70 commandos extérieurs, travaillant pour Messerschmidt, Daimler-Benz, AEG, ..
La démarche pour créer un commando extérieur était toujours la même: on envoyait d'abord environ une centaine de détenus pour préparer les lieux; puis, une fois les baraques-étables installées et la clôture terminée, on envoyait le restant des travailleurs demandés.
C'est exactement ainsi que le Struthof lui-même a été créé: on a d'abord envoyé 150 prisonniers principalement depuis les camps politiques allemands, puis 150 autres au moins; ces prisonniers devaient creuser les terrasses du Struthof (le camp est en pente) dans le grès et les routes menant vers le camp ou vers la carrière; ces prisonniers étaient logés dans l'étable de la ferme du Struthof. Une fois le camp terminé et notamment sa double enceinte électrifiée à 500 volts, les autres prisonniers sont arrivés.
Le travail était extrêmement dur et les prisonniers n'y résistaient pas. Une des routes du Struthof est même surnommée «la route des mille crânes» .Les habitants de la région préfèrent appeler ce camp le camp du «Struthof» (ce nom n'était qu'un lieu-dit pour le hameau de la ferme) au lieu du nom normal de «Natzweiler» qui est le nom de la commune.
1. Les condamnés de droit commun.
2. Les politiques.
3. Les objecteurs de conscience.
4. Les Juifs.
Les Juifs ont été en fait très peu nombreux. Le camp a d'abord ouvert avec les condamnés de droit commun allemands, puis les politiques (particulièrement ceux "relevant" du décret "Nacht und Nebel").
Les Français, qui ont été internés, dans ce camp étaient considérés comme prisonniers politiques. Parmi eux a figuré M. le général Frère, mort au camp, à 62 ans, à la suite (officiellement) d'une diphtérie, mais qui d'après le Commandant, paraît avoir succombé au cours d'un essai de médicament.
II. TÉMOIGNAGES ET ENQUÊTES
1.Témoignages d'anciens détenus
Nous reproduisons ci-dessous le témoignage porté sur le camp de Struthof par d'anciens détenus et gardiens. Nous laissons à ce document, communiqué par le Service des Crimes de Guerre, la forme simple et sans apprêt d'un témoignage direct) (1-14).
Le camp de détention, dit de Struthof, a été construit près de Natzwiller en 1941-1942, sur l'emplacement d'un terrain de ski, au flanc d'une montagne de 850 mètres.
Le camp est entouré par une double enceinte de fils barbelés et électrifiés, haute de 4 mètres, contenant un chemin de ronde dominé par les tourelles du mirador. Dans le chemin de ronde, balayé la nuit par des projecteurs, circulaient des S.S. accompagnés de chiens.
Nombre de S.S. : de 250 à 400 environ.
A l'intérieur de l'enceinte se trouvait une série de baraques en bois pouvant contenir 160 personnes chacune, une baraque spéciale avec salles de torture, d'autopsie, four crématoire et une autre baraque contenant une chambre à gaz.
La phrase est plus qu'ambiguë: la chambre à gaz était en dehors de l'enceinte à quelques centaines de mètres (voir plus loin). On le savait forcément lors de la rédaction de ce rapport qui ne s'appesantit pas sur les «détails» qui intéressent tant les «révisionnistes».
Le nombre des détenus variait sans cesse, allait de 3 à 6000, tant Russes que Polonais, Français, et même Allemands.
Régime du camp
Nourriture. La nourriture était peu abondante. L'ancien garde du camp Jean Ehradt déclare : «On donnait aux détenus, le matin après le réveil (en été 4 h. ½ , en hiver 5 h. ½), un peu de café sans sucre ni pain ; à 9 heures, environ 100 grammes de pain avec un peu de margarine ; à midi, ainsi que le soir, 150 grammes de pain et une soupe qui n'était que de l'eau. De plus, une partie des aliments réservée aux détenus était souvent détournée de sa destination.»
Habillement et couchage. Très peu habillés, n'ayant qu'une ou deux couvertures en coton, les détenus couchaient sur des paillasses. «J'ai vu, poursuit Jean Erhardt, pendant des périodes de surpeuplement du camp, cinq détenus dormir sur deux paillasses».
Régime du travail. Les détenus travaillent dans des carrières de granit et de sable ainsi qu'à la construction de routes. Le travail était très pénible ; on exigeait, en effet, des travailleurs un rendement très élevé, et, lorsqu'ils n'atteignaient pas le rendement forcé, ils étaient privés de nourriture pour le lendemain. Le travail était surveillé par un chef nommé «Capo»: détenu lui-même, désigné par les surveillants du camp. Ce chef d'équipe était responsable de l'effort des détenus, en ce sens qu'il devait stimuler leur travail en les battant à coups de bâton au besoin, et, lorsque le rendement forcé n'était pas atteint, il recevait lui-même 25 coups de bâton, à moins qu'il ne prouve qu'il avait pendant le travail battu les détenus, en montrant les traces des coups sur les corps des détenus. Les «Capo», recrutés parmi les criminels de droit commun, avaient sur les autres détenus un droit de vie et de mort.
Sur les lieux de travail, les détenus étaient entourés d'un cordon de S.S. Tous les détenus qui essayaient de traverser ou qui par malheur étaient à hauteur du cordon étaient abattus à la mitraillette.
Un des geôliers S.S., Fuchs, de souche alsacienne de Mulhouse, était particulièrement connu pour sa cruauté. Lorsqu'il arrivait un nouveau convoi de «bleus» et que ces derniers parvenaient sur les lieux de travail, Fuchs prenait la casquette de l'un des détenus et la jetait à l'extérieur du cordon de surveillance en disant : «Si ce soir tu n'as pas ta casquette à l'appel, tu sais ce qui t'attend.» Le bleu essayait de chercher son couvre-chef et c'est alors que Fuchs le descendait à la mitraillette. Motif : «A essayé de s'évader»..
Tous les soirs, il y avait appel. Il arrivait souvent que le chef du camp s'exprimait en ces termes : «Ce soir vous êtes 465 ; demain matin, je ne veux en voir que 460.» Il fallait que ce désir soit accompli et alors, la nuit, un bourreau passait dans les baraque et, au hasard, pendait ou étranglait cinq de ces malheureux. Le lendemain, à l'appel, on ne comptait que 460 détenus.
Discipline. Le régime disciplinaire était rigoureux. Les gardiens avaient le droit de frapper les détenus et lâchaient leurs chiens sur eux. Les «Capo» eux-mêmes avaient droit de vie et de mort sur leurs camarades.
Le nommé Schanger, chauffeur du camp de Natzwiller, déclare que, sur 50 Français qui arrivèrent au camp au cours de l'été 1943, il y eut 8 morts parmi eux à la suite de morsures de chiens. Les S.S. leur faisaient en effet porter de grosses pierres et excitaient sur eux deux chiens policiers ; ceux qui tombaient étaient frappés et mordus par les chiens jusqu'à ce qu'ils se relevassent. Ce même témoin raconte qu'il vit des officiers français qui se tenaient debout avec peine, car leurs mollets avaient été déchirés par les chiens et les chairs pendaient en lambeaux, personne n'ayant le droit de panser leurs plaies ; les blessés incapables de travailler étaient privés de nourriture au repas de midi. Le témoin poursuit : «J'ai vu un Français étendu à terre les pieds déchirés, les os des talons à nu, sans aucun pansement. Un S.S. de garde m'a dit : Voilà un Juif qui va mourir ; il était commandant d'armes à Savernes.»
Environ 15 jours ou 3 semaines après l'arrivée de ces 50 Français, raconte Schanger, j'ai pu entrer en conversation avec l'un d'eux qui m'a dit que des 50 arrivés ils n'étaient plus que 4 et que tous les autres étaient morts de leurs blessures faites par les morsures de chien et aussi de faiblesse car on les laissait sans nourriture.
L'arrivée de ces Français et la façon dont ils ont été traités a vivement frappé la mémoire de l'ensemble des rescapés du Struthof qui en fait n'ayant jamais vu un traitement aussi dur, se sont alors interrogés sur leur propre destin.. Cependant les chiffres diffèrent selon les témoignages: selon les plus fiables 24 français sont morts dès le premier jour et d'autres non chiffrés «Auf der Flucht erschiessen» les deux jours suivants. Quoiqu'il en soit, le Général Delestraint, chef de l'Armée Secrète, survécut à ces premières journées. Il fut abattu à la fin de la guerre dans un autre camp. Sur les 167 Français des trois convois de juillet 43, seuls 3 vivaient encore en août 44.
Les gardiens, ayant droit à une prime lorsqu'ils ramenaient mort ou vif un détenu qui s'était évadé, tuaient parfois un détenu, qui n'avait nullement chercher à s'évader, pour toucher la prime, prétextant ensuite qu'il y avait eu tentative d'évasion.
Un ex-détenu du camp de Struthof, évadé en août 1942, Martin Wintergerber, natif de Greswiller, rapporte les faits suivants : Le 12 décembre 1941, le matin à 9 heures, les détenus sont rassemblés. On porte à leur connaissance qu'un paquet de tabac a été volé à l'un des gardiens et que le délinquant devra le rendre sur le champ ; tous les détenus déclarent ne pas être en possession de tabac, et c'est alors que les brutes S.S. commencent leur jeu macabre.
Martin Wintergerber est le seul évadé connu avec trois autres personnes de ce camp, tous dans la même tentative (la quatrième de cette évasion a été reprise). Tous ceux qui ont échoué ont vérifié le discours que Kramer (le 3ème commandant du camp) faisait à tous les arrivants: «Mein Lager is kein Sanatorium. Hier soll man arbeiten. Und hier ist es nur einen Ausgang» (et il montrait alors la cheminée du crématorium - discours répété à tous les arrivants, impressionnant de la part de ce colosse accompagné de son chien et portant sa badine, qui effrayait même ses subordonnés). Il assistait à toutes les arrivées, mais aussi à toutes les pendaisons «disciplinaires» dont il donnait le signal.
Ordre est donné à tous de se déshabiller ; il fait une température de 8° sous zéro ; personne ne fait d'objection, sachant que ce serait un suicide et c'est alors que l'on put voir près de 500 êtres humains tout nus, attendre la suite des événements. A midi, les premiers tombaient, les uns morts de congestion, les autres perdant connaissance ; ces derniers étaient ranimés à coups de cravache, mais aucun de ceux-là ne se relevait et ils mouraient tous, les reins brisés. Le soir, à 18 heures, on compta 27 morts, ceux-ci étaient délivrés ; mais il restait tant d'autres hommes pour lesquels les souffrances n'étaient pas à leur fin ! En effet, beaucoup d'autres détenus furent atteints de congestion pulmonaire et eurent de fortes fièvres. Lorsque les brutes raffinées s'en aperçurent, ils dirent: «Ah ! vous avez des chaleurs, et bien on va vous rafraîchir.» Et c'est ainsi qu'ils furent jetés dans des baignoires d'eau glacée, et quand ils avaient perdu connaissance, ils se noyaient ou étaient jetés à temps hors de la baignoire dans une salle cimentée où ces loques humaines se traînaient à terre, cherchaient un peu de chaleur sur le corps d'un camarade qui allait expirer dans quelques instants. W... décrit cette scène de la façon suivante : il compare ces loques nues à des «asticots» ; dans une boîte. Il a vu un de ces malheureux chauffer ses doigts dans le nez d'un de ses camarades. C'est une des scènes les plus horribles qu'il a vues à Struthof. Dans cette même nuit, il y eut 32 morts. W... affirme avoir vu dans cette salle cimentée les geôliers prendre les mesures d'êtres vivants pour leur cercueil et leur apposer le cachet sur la cuisse confirmant qu'ils étaient les morts numéro tant et tant.
Pour une bagatelle, les détenus étaient frappés à coups de bâtons ou de cravache, le nombre de coups variant suivant la gravité de la faute commise (25, 50, 75, 100). Une autre torture consistait à pendre les détenus par les mains pour leur faire avouer quelque chose.
W... a été pendu pendant 3 heures, et il en résulta des souffrances inimaginables ; ce qui ne l'empêcha pas de garder le silence le plus complet, ce qui exaspérait les geôliers.
Soins. Absence complète de soins. Ainsi les détenus frappés par leurs gardiens ou mordus par les chiens ne devaient recevoir aucun pansement, ni soin d'aucune espèce.
Mise à mort. Celle-ci avait lieu pour la moindre vétille et s'exécutait par pendaison ou fusillade, sans oublier l'asphyxie par passage dans la chambre à gaz ou la mort des suites d'expériences médicales.
Le commandant du camp dressait toutes les semaines un état numérique des morts qu'il envoyait à ses supérieurs. Nous possédons le modèle de ces états où on relève 5 catégories de morts :
Morts par maladies.
Fusillés.
Pendus par exécution.
Pendus par suicide (individus se pendant eux-mêmes après en avoir reçu l'ordre)
Suicidés.
Nous verrons l'intérêt de ces états numériques pour prouver le destin des 86 juifs qui furent gazés au camp.
Les morts étaient incinérés dans le four crématoire et leurs cendres servaient d'engrais au potager du camp ; seules les cendres des victimes allemandes (car ils exécutaient des détenus allemands) étaient recueillies dans les urnes, vendues de 75 à 100 R.M. à leurs familles.
Expériences médicales. Les prisonniers servaient de cobayes à des médecins de Strasbourg, en particulier aux docteurs Hirt, Wimmser et Von Haagen.
Les médecins susnommés pratiquaient, avec la complicité des S.S., des injections de lèpre, de peste et d'autres maladies sur les détenus de manière à observer les effets de ces contaminations ; plusieurs traitements étaient essayés pour une même maladie.
L'expérience terminée, si les sujets n'étaient pas morts, ils étaient exterminés et incinérés. Ainsi, en 1944, 200 personnes sont mises à la disposition du docteur Von Haagen et 150 sont alors immunisées contre le typhus exanthématique, 50 étant réservées comme témoins.
A l'ensemble des 200, il est alors inoculé du virus exanthématique (déposition de Mlle Schmidt, assistante du professeur Von Haagen).
Voir plus haut. Un premier envoi de 100 Tziganes avait fait l'objet d'une lettre de protestation de Hagen, 10 ou 20 «tout au plus» étant utilisables. 50 ou 100 Tziganes de plus furent envoyés, et l'expérience se fit en fait non pas avec 200, mais 80 sujets dont 40 formaient le groupe témoin (non vacciné). Il est à craindre que les sujets jugés inaptes dans le premier convoi aient été exterminés de toute façon.
De même, ces médecins faisaient des expériences avec des gaz sur ces malheureux dans une chambre à gaz située hors du camp. En une seule journée, le 10 août 1943, 86 femmes furent asphyxiées et leurs corps incinérés immédiatement. Voir le commentaire ci-dessous.
Il est de même établi que :
Le 11 août 1943, 15 femmes furent gazées.
Le 13 août 1943, 14 femmes furent gazées.
Le 17 août 1943, 30 hommes furent gazés.
Le 19 août 1943, 20 hommes furent gazés.
Il y a manifestement confusion et le rapport compte deux fois les mêmes victimes, dont une seule a été incinérée au camp. Il est probable qu'un témoin a cru que les juifs étaient uniquement des femmes et avaient disparu toutes le même jour. Dans la dizaine suivant le dix août 43, seuls les 86 juifs en provenance d'Auschwitz ont été gazés. Il y en avait en tout 87 mais l'un a été abattu d'une balle, devant sa forte résistance à entrer dans la chambre à gaz. Au total donc, 30 femmes et 57 hommes ont été tués.
Nombre total des victimes au camp de Struthof :
1668 femmes environ et plus de 10000 hommes, sur un total de 45000 détenus passés dans ce camp.
Ce chiffre est difficile à confirmer mais paraît franchement trop élevé, au moins pour les femmes. Comme le rapport le remarque le Struthof ne recevait pas de femmes en tant que camp de travail. Les exécutions certaines de femmes sont celles des victimes juives gazées (30), de 4 femmes résistantes parachutées (cas qui a fait l'objet d'un procès par les forces anglaises) et de 2 résistantes la veille de la rafle où d'autres (certes nombreuses) finirent exécutées avec le réseau Alliance.
Pour les hommes, la situation est également difficile à évaluer, les détenus pouvant souvent être placés ensuite dans d'autres camps ou commandos. Le chiffre de 40000 détenus étant passés par le camp est généralement retenu (minimum absolu de 27000) , parmi lesquels environ 12 à 13000 morts sur place: donc si le nombre de détenus passés par le Struthof est un peu plus bas que celui proposé dans ce rapport, le nombre de morts probable est par contre supérieur à 13000, et probablement très supérieur si on examine toutes les causes de mort injustifiées par la situation de guerre.
Parmi les exécutions il faut citer :
L'exécution de 392 Français (92 femmes et 300 hommes dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944).
Les Allemands craignant une attaque des résistants avaient ratissé les maquis et après une brève concentration au camp de Schirmeck amenaient les résistants et suspects au Struthof pour les exécuter. Actuellement, on admet qu'il y a eu entre 150 et 200 Français exécutés; le chiffre minimal de 107 est celui de la liste nominative du mémorial pour les résistants du groupe Alliance. Leur exécution a commencé dès la nuit du 30 août et a duré 3 jours (derniers jours de l'évacuation du camp: le 4 septembre lors du bref passage des débris de la milice française, vers le 10 et le 11 - un gardien du camp s'est vanté auprès d'eux d'avoir incinéré lui-même près de 80 corps, ce qui n'a pas été sans leur laissé une franche impression de malaise).
2. Compte-rendu du «service de recherche des crimes de guerre» sur l'enquête criminelle du Pr. Hirth, Directeur de l'Institut d'Anatomie de Strasbourg sous l'Occupation
Par suite de la découverte dans les sous-sols de l'Institut d'Anatomie de Strasbourg de 86 corps conservés dans de l'alcool, découverte faite le 1er décembre 1944 par le Commandant Raphaël, du Service Cinématographique de l'Armée, les autorités militaires ont demandé au service français dit «Organe de Recherche des Crimes de Guerre» de procéder à une enquête. L'Organe de Recherches a délégué en Alsace, aux fins d'enquête, le 17 décembre 1944, une commission composée de deux officiers ; dont un médecin militaire, et d'un fonctionnaire civil.
On trouvera ci-après l'essentiel du rapport établi par cette commission, suivi des principaux témoignages et documents à charge, figurant au dossier du Professeur Hirth et de ses complices :
Nous nous sommes rendus à Strasbourg le 17 décembre 1944 et avons fait une enquête à l'Hôpital Civil.
Nous avons entendu successivement les divers employés alsaciens de cet hôpital. Uniformément, ils déclarent que l'activité du professeur Hirth était de nature criminelle, mais aucun d'eux n'a de preuves de ses affirmations.
Seul, Henrypierre, aide-technicien, affirme formellement que les 86 cadavres ont été commandés par le Professeur Hirth dans un camp de concentration et livrés «chauds».
Nous avons visité les camps de concentration de Schirmeck et de Natzwiller, pour essayer de nous rendre compte duquel de ces camps provenaient les cadavres en question.
La démarche est parfaitement logique. Les corps étant encore chauds, et ne présentant pas de rigidité cadavérique, il fallait que moins de 8 heures (au mois d'août) se soient écoulées depuis le décès et sans doute moins de 4 de la part de spécialistes de médecine médico-légale qui auraient noté le début de rigidité du visage et des membre supérieurs; seuls les camps mentionnés étaient suffisamment proches pour tenir un pareil délai entre l'assassinat, et le chargement des corps dans des camions pour les livrer à Strasbourg dans des délais aussi courts.
Nous avons constaté l'impossibilité pour le camp de Schirmeck, d'avoir été le lieu d'exécution des victimes. Par contre, le camp de Struthof, près de Natzwiller, est très certainement le lieu de départ des corps.
Effectivement, à notre arrivée au camp de Struthof, qui coïncidait avec celle des membres de l'Assemblée Consultative et de plusieurs journalistes, nous avons trouvé des preuves formelles d'exécutions massives et de fourniture de corps à l'Institut Anatomique de Strasbourg.
Les faits suivants se dégagent de l'enquête :
En 1940, à l'occupation de l'Alsace, les Allemands envoyèrent à Strasbourg une série de médecins, particulièrement des apôtres du régime national-socialiste.
Parmi eux, se trouvait le Professeur Docteur Hirth, qui fut nommé chef de l'Institut de Recherches Anatomiques de Strasbourg.
Hirth était Obersturmfüauthrer des S.S. et il semble que sa mission à Strasbourg, d'un genre tout particulier, était destiné à étayer la thèse de pureté raciale des S.S., sur des bases scientifiques «indiscutables».
Hirth a fait prêter serment par tout son personnel, à la personne de Himmler, chef des S.S.. Il recevait directement une mensualité spéciale provenant directement de la caisse de l'Etat-Major des S.S..
Il avait fait venir, avec lui, à Strasbourg, pour ses qualités techniques, le préparateur de cadavres Otto Bong. Il collaborait avec le Professeur Bickenbach, les Docteurs Haerdt et Van Haagen.
Ce groupe de médecins se livrait à des actes qualifiables sans aucun doute de «crimes de guerre».
Le Professeur Hirth était étroitement lié avec le commandant S.S. du camp de Struthof et se plaignait régulièrement du manque de cadavres à sa disposition pour faire des expériences. Il a envoyé fréquemment le Docteur Von Haagen au camp de Struthof faire des injections de peste, de lèpre et d'autres maladies mortelles à des détenus.
Lors du décès des détenus ayant subi ces injections, l'un des médecins adjoints du Professeur Hirth retournait au camp, prélever des organes intéressants avant l'incinération des corps.
Otto Bong, préparateur du Professeur Hirth, a reçu lui-même au mois d'août 1943, les 86 corps qui se trouvent encore aujourd'hui à l'Institut Anatomique de Strasbourg. Bong, qui avait une longue expérience des laboratoires, déclare avec candeur que les 86 personnes dont les corps lui avaient été remis ont été «endormies», il ne sait pas par quel moyen, mais ne sont, sans aucun doute, pas mortes de mort naturelle. Elles ont été livrées par des S.S. dans des camions et sans vêtements.
Bong confirme que les recherches poursuivies par le Professeur Hirth étaient destinées entièrement au potentiel scientifique des S.S.
Il a révélé par ailleurs que le Professeur Hirth ne négligeait pas de petits bénéfices.
Bong était chargé d'arracher les dents en or aux cadavres et de les remettre au Professeur Hirth qui était possesseur d'un passeport suisse.
En résumé, nous avons la preuve que le Professeur Hirth a délibérément commis des actes criminels, le plaçant hors de la convention de Genève.
Les responsables de cette affaire de l'Hôpital Civil de Strasbourg sont à des degrés variables :
1. Le Professeur Hirth, actuellement en Allemagne,
2. Le Docteur Van Haagen, retourné à la Luftwaffe,
3. et 4. Le Docteur Haerdt et le Docteur Bickenbach, faits prisonniers par les F.F.I. et remis aux autorités militaires américaines.
L'identification des 86 corps de l'Institut de Strasbourg est extrêmement difficile, les têtes ayant été brûlées avant le départ du Professeur Hirth.
16 corps dont celui de 3 femmes étaient décapités mais sinon entiers: tous les autres avaient été decoupés à la scie. Pendant longtemps une seule victime, Menachem Taffel, a été seule identifiée, grâce à Serge Klarsfeld. Ce n'est que récemment (en 2003) que Hans Joachim Lang a réussi à identifier toutes les victimes, en corroborant une liste de numéros reccueillie à Strasbourg avec une liste de vaccination faite à Auschwitz, qui n'a été libéré que des mois plus tard et par les Russes. Voir quelques lignes plus bas.
Cependant, Henrypierre a numéroté les différentes parties des corps de 1 à 86 et a relevé les numéros matricules que ces corps portaient en arrivant au camp.
Nous avons pu obtenir le dossier des décès du camp de Struthof, correspondant à la même époque, et nous tâcherons d'obtenir l'identification, si elle est possible.
Tous les numéros relevés par Henrypierre ont pu être confrontés avec succès avec ceux des archives d'Auschwitz, bien que les S.S. les ayant détruites, seules des copies incomplètes avaient pu être effectuées secrètement par les détenus. Une seule victime sera finalement identifiée de façon certaine avec un corps et un tatouage intacts: Menachem Taffel, Juif Berlinois, matricule d'Auschwitz 107969, grâce à son passage par l'infirmerie lorsqu'il travaillait à Monowitz: en effet les archives d'Auschwitz notaient les numéros matricules des déportés ayant survécu aux sélections des différents convois arrivés, mais pas le nom correspondant au matricule.
La liste relevée par Henrypierre a néanmoins permis d'identifier les noms des 85 autres victimes, grâce au travail d'un journaliste-historien allemand, Hans Joachim Lang, remarquable d'obstination: non seulement le gouvernement français d'après guerre semble n'avoir fait aucune recherche, mais pire encore les gouvernements modernes ne donnent que très difficilement accès aux archives. Hans Joachim Lang a obtenu la liste de Henrypierre aux Etats-Unis. Comme les victimes avaient toutes été vaccinées contre le typhus pendant leur quarantaine, leur nom a pu être retrouvé. Henrypierre a fait des petites erreurs sur quelques numéros (inversion de chiffres, un chiffre erroné) qui n'ont causé aucun problème de recoupement. Le journaliste ayant effectué ce remarquable travail a rendu un hommage public en lisant publiquement le nom des victimes lors d'un colloque à Strasbourg. Ses recherches ont été publiées dans son livre, "Die Namen der Nüautmmern".
D'une façon générale, le dossier de décès en notre possession permettra d'informer les différents consulats russe, polonais, tchèque,.. du décès de leurs ressortissants.
Si la comptabilité des hommes morts au Struthof semble parfaitement tenue, aucune indication n'existe en ce qui concerne les femmes. Il semble que les femmes n'étaient envoyées au Struthof, sans aucun papier, que pour y être tuées.
III. PIÈCES ANNEXES
I - Compte-rendu du Commandant Raphaël, du Service Cinématographique des Armées.
Le vendredi 1er décembre 1944, au cours d'une visite à l'Hôpital Civil de Strasbourg pour rechercher du matériel photographique provenant de l'Institut allemand, le Commandant Raphaël, du Service Cinématographique de l'Armée, a constaté la présence dans le sous-sols du bâtiment de l'Institut d'Anatomie de cadavres entassés, dans des cuves peines d'alcool.
Ces cadavres étaient destinés aux expériences du Professeur Hirth, Directeur de l'Institut.
D'après les déclarations des employés alsaciens : Peter, Wagner et Gabel, ces corps auraient été livrés à l'Institut sur la demande de l'Institut sur la demande du Professeur Hirth par un camp d'internés politiques (Schirmeck ou Struthof).
Sur 120 cadavres commandés, 86 ont été livrés dans la même journée à 5h du matin. Les corps étaient transportés nus, à raison de 50 par camion. Lors de leur déchargement, les témoins ont pu constater que les cadavres présentaient les caractéristiques suivantes :
Ils étaient encore tièdes et ne présentaient pas la raideur cadavérique. Leurs yeux étaient congestionnés et rouges. Ils portaient un matricule tatoué sur le bras. Ils comprenaient 30 femmes de tous âges.
Ce passage est totalement erroné quant au mode de «livraison» et montre que le rédacteur est inattentif, car dans les témoignages qu'il joint à son propre document, on voit au contraire que les cadavres ont été livrés soit en 3, soit en 4 fois.
D'autre part, il est à signaler qu'il a été trouvé dans le laboratoire du Professeur une bombe puissante à oxygène liquide (10 kgs) destinée à provoquer la destruction de toute l'installation, et à faire disparaître ainsi toute trace compromettante. L'Avance rapide de l'armée Leclerc a empêché la réalisation de ce projet. Toutefois, le Professeur Hirth a réussi à s'enfuir, mais une partie de ses assistants sont restés sur place.
Ce passage est encore moins crédible. L'oxygène attise l'incendie sans exploser: s'il n'y a pas de catalyseur: il aurait été infiniment plus simple pour un médecin S.S. de se procurer un explosif classique, ou même d'incendier à l'essence son laboratoire. Sans avoir vu la «bombe» il est difficile de juger, mais il s'agissait sans doute d'un matériel médical ordinaire, comme il y en a à présent partout (visiter un hôpital permettra de voir que quasiment n'importe quel malade dispose d'oxygène à son chevet).
Les personnes dont les noms suivent sont à même de fournir tous détails complémentaires sur cette affaire et de servir de témoins :
1- Eléments alsaciens ayant dénoncé les agissements du Professeur et continuant leur service à l'Hôpital Civil : Pater, Wagner, Gabel.
2 - Eléments allemands (internés ou surveillés) : Mlle Seepe, secrétaire du Professeur Hirth ; M. et Mme Bong, assistants du Professeur.
Mr Bong devait être fusillé, et n'a pas été exécuté, afin de servir de témoin. Il est interné.
En résumé :
Le nombre de cadavres, la manière anormale dont ces corps ont été amenés à l'hôpital.
Les précautions prises pour pouvoir faire disparaître toutes traces de ces installations.
enfin, les déclarations des employés attachés à ce service,
prouvent que le Professeur Hirth était un triste personnage dont l'activité est à mettre en lumière.
Il semble qu'on se trouve en face d'une manifestation de la barbarie allemande.
Fait à Paris, le 10 décembre 1944.
2 - Extraits du procès-verbal d'interrogatoire de M. Henrypierre Henri (rapport ci-joint).
Henrypierre, né à Liever (Haut-Rhin), avait été interné par les Allemands à Paris en 1940 et ramené de force à Strasbourg, où il travailla comme préparateur à l'Hôpital Civil.
Il aurait été chargé par les médecins allemands de les conduire de l'autre côté du Rhin, lors de l'avance alliée. Mais le jour du départ, il vida la batterie de la voiture et en empêcha le départ.
Henrypierre a donné à l'E.-M. de la division Leclerc, un cahier contenant le nom de tous les morts de l'hôpital militaire et du fort de Mutzig, dont les cadavres ont été livrés à l'hôpital.
Outre sa déposition écrite concernant le Professeur Hirth et Bong, il déclare que Von Haagen (toujours en uniforme de la Luftwaffe) était chargé de visiter les camps pour y faire des essais sur les détenus vivants, qu'il n'aimait pas le travail que le Professeur Hirth l'obligeait à faire et l'aurait déclaré autour de lui, et qu'il a finalement demandé à repartir dans l'aviation.
Il rapporte que le professeur Hirth et le Docteur Von Haagen étaient, l'un et l'autre, très distants et parlaient peu avec le personnel de l'hôpital.
Il précise que c'est Mayer qui, lors du départ des Allemands, était chargé de faire sauter l'Institut d'Anatomie.
3 - Rapport sur les 86 corps reçus du camp de concentration à l'institut d'Anatomie, au début d'août 1943.
Strasbourg, Institut d'Anatomie, le 16-12-44.
Je soussigné Henrypierre Henri, aide-technicien à l'Institut d'Anatomie de Strasbourg, certifie que, par sentiment du devoir et de justice, j'ai juré sur ces 86 corps que je saurais les venger. C'est pourquoi je fais sous la foi du serment les déclarations suivantes :
Au début d'août 1943, le Professeur Hirth directeur de l'Institut d'Anatomie, nous fit préparer les cuves pour recevoir 120 corps provenant d'un camp de concentration. Quelques jours avant, le Professeur Hirth, d'après les dires de M. Otto Bong a dit :
«Ils vont tomber comme des mouches.»
Un commandant de la S.S. était en rapport avec le professeur Hirth au sujet des corps qu'il devait nous procurer. Dans la première quinzaine d'août, nous avons reçu la première livraison de trente corps de femmes juives et assez jeunes. Ces corps sont arrivés dans un camion de la SS. Ils étaient tout nus et encore chauds, les yeux congestionnés ouverts, sortant de l'orbite, le plupart saignant du nez et de la bouche. Ce même jour, le Professeur Hirth me dit :
«Pierre, si tu ne peux fermer ta gueule, tu prendras la même place.» (Peter, wenn Du die Schnautze nicht halten kanst, so kommst Du auch dazu.)
Le témoin atteste que ces femmes étaient juives sans qu'on sache comment il l'a appris. Néanmoins il montre qu'il y avait eu une pression pour le faire taire sur ces sujets...
Les jours suivants, nous avons reçu encore deux livraisons, mais des hommes cette fois, la première livraison 30 hommes, et la deuxième 26 hommes ; ces 56 hommes juifs sont arrivés dans le même état que les femmes, c'est-à-dire tout nus, chauds, les yeux ouverts sortant de l'orbite et saignant du nez et de la bouche et certains pleins de matières fécales. Aux hommes, il a été prélevé les testicules qui ont été remis au laboratoire de l'anatomie sur lesquels M. Schmittbuhl Louis peut donner les renseignements nécessaires.
Tous les corps sont arrivés en vrac dans un camion de la S.S.
Les corps avaient tous des numéros matricules tatoués sur l'avant-bras gauche ou droit ; tous les matricules ont été prélevés par moi, et je les tiens à la disposition de la justice. Au mois de septembre 1944, lors de l'avance des Alliés sur le sol de Lorraine, le Professeur Hirth, pris de panique, fit découper les 86 corps par son préparateur principal, M. Otto Bong, et le laborantiste M. Auguste Mayer et fit brûler les têtes ainsi que certains membres au four crématoire de la ville de Strasbourg.
Tous les numéros notés par Henrypierre ont pu être comparés avec ceux d'Auschwitz; ils sont d'une concordance totale. La négligence de Bong permettra plus loin de voir que des corps ont été oubliés, et surtout celui de Mennaffel Tachem qui fut la seule victime identifiée jusqu'en 2004 ou Hans Joachim Lang, après un long travail, a réussi à retrouver le nom de toutes les victimes et même à retracer le passé de certaines d'entre elles.
Ces têtes et ces membres ont été mis pêle-mêle dans 12 cercueils afin de laisser croire que c'était des restes de préparation des corps de l'anatomie. C'est ce qui m'a laissé soupçonner la responsabilité du Professeur Hirth, S.S. HauptsturmFüauthrer, non seulement la responsabilité, mais également la complicité.
C'est lui, en liaison avec le Commandant de camp, qui est la cause du meurtre de ces 86 victimes innocentes. Un détail : d'après les dires de M. Otto Bong faits à moi, certaines victimes avaient des dents en or ; lors du découpage, ces dents furent enlevées et M. le professeur Hirth les prit en sa possession.
Pour toute autre déclaration, je précise que M. Otto Bong peut servir de principal témoin, étant le bras droit du professeur.
Aide-technicien de l'Institut d'Anatomie de Strasbourg
HENRYPIERRE HENRI.
4 - Extrait du procès-verbal de l'interrogatoire de Mme BRANTNER.
Mme Brantner, née à Strasbourg en 1902, infirmière à la Croix-Rouge, a travaillé à l'Institut d'Anatomie jusqu'en juillet 1943. Jusqu'à cette époque, elle voyait le professeur Hirth tous les jours.
Le professeur Hirth, rapporte-t-elle, affirmait qu'il faisait ses expériences sur les internés de Struthof parce que ce n'était pas des Alsaciens, mais des prisonniers allemands condamnés à mort.
Mme Brantner était d'autre part, l'amie du docteur von Haagen. D'après son témoignage, ce docteur était chargé de la liaison avec le camp de Struthof et y faisait des injections ordonnées par le professeur Hirth.
Mme Brantner a vu elle-même les photos des internés avant et après les piqûres. On remarquait toujours sur les bras des malades des grosseurs et des déformations à la suite des injections. La plupart des patients mouraient du traitement.
Le camp de Struthof téléphonait immédiatement au service d'anatomie pour signaler les décès ; c'est Mme Brantner qui répondait au téléphone.
Von Hagen se rendait aussitôt à Struthof et ramenait à Strasbourg différents organes du mort. Le préparateur Schmidt procédait à des coupes sur ces organes et les observations étaient dictées sur le champ à Mlle Seepe, secrétaire du professeur Hirth.
Le docteur von Haagen aurait avoué à un psychiatre, M. le docteur Kummer, que le travail qu'on lui confiait n'était pas celui d'un médecin honnête. Il a confié à Mme Brantner qu'il travaillait par force avec le professeur Hirth et que, si celui-ci le soupçonnait de trahir, il le ferait tuer comme un chien (15)
5 - Interrogatoire de M. Otto Bong, fait à Paris, le 28 décembre 1944.
Je m'appelle Bong Otto-konrad-Johann, né le 5/9/1901 à Francfort-sur-Main, fils de feu Hermann-Franz, cordonnier, et de Maria née Bohm. Je suis allé à l'école de Francfort jusqu'à l'âge de 14 ans. A la sortie de l'école, je suis devenu apprenti serrurier de machines, pendant trois ans. J'ai travaillé comme ouvrier spécialiste de vélos et d'autos. Chômeur en 1921, une première fois, j'ai repris mon métier jusqu'en 1924. A cette époque, ma soeur, secrétaire du Kuraturier de Francfort, m'a présenté au professeur Bluntschlis (professeur d'anatomie à berne) qui m'a employé comme garçon de salle.
En 1933, le professeur Bluntschlis, suisse et démocrate, fut contraint à l'abandon de son poste. Il fut remplacé par le Professeur Zeijer jusqu'en octobre 1934. Le professeur Sfuhl de Kierswald lui succéda. En octobre 1938, il fut remplacé à sont tour par le professeur Hirth. Entre temps, je devins «Ober preparator». Le professeur Hirth est né à Mannheim ; je n'ai jamais entendu parler de lui avant son arrivée. Il était déjà S.S. Il est parti à la déclaration de la guerre, comme chef d'un hôpital de campagne en France ; il n'a jamais raconté à quel endroit.
Je me suis marié le 5 février 1931 avec Elisabeth Spangenbeck de Berlingen.
Avant Hitler, j'étais membre actif du parti social-démocrate.
A Francfort, je n'ai jamais remarqué d'activité spéciale S.S. de Hirth, mais, à Strasbourg, il m'a dit un jour, après un an, qu'il m'a emmené à cause de mes qualités techniques, autrement il aurait préféré un S.S.
Hirth a été nommé à Strasbourg en 1941 vers le 28 octobre, et il m'a emmené tout de suite avec lui.
Hirth s'est conduit normalement au début ; ce n'est qu'environ un an plus tard que sa secrétaire, Mlle Seepe nous a dit que Hirth était chargé d'une mission concernant le «Ahnenerbe». Je n'ai jamais pu imaginer ce que cela voulait dire exactement. Il y eut à Strasbourg une séance du «Ahnenerbe» à laquelle ont assisté les médecins de la faculté.
C'est vers la fin d'août ou le début de septembre 1943 que nous avons reçu quatre fournitures de cadavres, réparties sur une semaine environ. Une voiture S.S. menée par un chauffeur et escortée par deux S.S. arriva avec une vingtaine de cadavres nus ou ayant encore partiellement leurs sous-vêtements. Les deux premiers voyages comprenaient des femmes, les deux derniers des hommes ; la plus jeune des femmes avait environ 16 ans, la plus vieille 40, les hommes de 20 à 50 ans. La majorité avait un type sémite, pas tous.
Les corps étaient encore chauds, sans blessures apparentes ; partiellement, ils étaient tordus, les yeux ne semblaient pas anormaux, mais les nez saignaient, les cheveux des femmes étaient coupés. Aucune trace de coups n'apparaissait.
Faux. Les traces de coups sont parfaitement visibles sur certains cadavres. Quiconque peut même sans être médecin reconnaître des hématomes aussi flagrants (voir en fin de document le cliché d'un de ces corps) et Bong cherche certainement à dégager sa responsabilité, étant lui-même poursuivi en justice; on ne peut supposer qu'un «Ober Preparator» n'aie pas remarqué des traces aussi évidentes.
Le professeur Hirth nous a annoncé quelques semaines à l'avance, qu'environ 150 corps allaient être mis à notre disposition.
A l'arrivée de ces 86 corps, en août 1943, j'ai procédé à leur conservation par injection de formol-alcool et ils ont été placés dans les cuves à alcool. Ce qu'il y a de bizarre, c'est que, pendant un an, le professeur ne s'y est pas intéressé du tout. Il ne m'a même pas demandé les dents en or, comme c'était le cas pour les cadavres que nous recevions d'habitude.
Notez s'il vous plaît la méthode utilisée: l'injection de formol-alcool (2 litres de formol et 3 d'alcool éthylique dilués dans 5 litres d'eau), qui se fait par injection forcée du produit dans les gros troncs vasculaires. Cette méthode détruit toute valeur aux recherches lors d'autopsies ultérieures quant à la présence d'HCN. Quand les sujets **inhalent** de l'HCN ils en inhalent très peu, une dose juste mortelle; qu'on ne peut retrouver dans leur estomac en excès ou ailleurs. La possibilité de déceler des traces d'HCN dans ces corps est perdue, du moins dans l'état de l'art de la médecine légale en 1940-1950. Plus tard il ne reste aucune chance de détecter des cyanures qui se décomposent avec les corps, même actuellement (les cyanures sont instables, étant formés à partir d'un acide très faible).
Fin août 1944, il m'a demandé le découpage des corps et la séparation des têtes. Les dents en or devaient lui être remises et les têtes brûlées. C'est Mayer qui a procédé à l'extraction des dents. Les têtes et les organes ont été brûlés au crématoire de la Ruprechtstrasse. Il m'a semblé évident que Hirth cherchait à effacer les traces d'un crime. Les corps dépecés ont été replacés dans les cuves à alcool. Un numéro était tatoué sur les avant-bras de ces corps.
Otto Bong a également ôté les parties des avant-bras portant les tatouages, oubliant quelques corps dans son travail; mais il ne se vante naturellement pas ici de ce qui est au minimum une dissimulation de preuves et au pire une complicité (punie en France comme le crime lui-même), étant lui-même arrêté et risquant l'exécution.
Aucun papier n'a jamais existé concernant ces corps.
Hirth a quitté Strasbourg vers le 15 novembre en disant qu'il allait faire un voyage à Wurzbourg et qu'il reviendrait. J'ai été arrêté le dimanche 29 par le F.F.I.
6 - Coupes histologiques
Les coupes qui nous ont été remises comportent cinquante-quatre préparations provenant d'individus différents (au moins 7 individus).
Ces préparations intéressent des testicules humains en coupes de grandes étendues ou totales. Leur étude a permis de noter les lésions suivantes : dans certaines, oedème et congestion considérable avec sclérose périvasculaire, en même temps que desquamation de l'épithélium séminal et figure d'agglutination des éléments de la spermatogenèse avec agglutination et homogénéisation de groupes de cellules interstitielles.
D'autres oedèmes plus réduits sont caractérisés par le fait qu'un certain nombre de tubes séminifères aspermatogènes sont réduits à l'état d'unicisme cellulaire et parfois à une cicatrice scléreuse parmi d'autres tubes normaux.
Les coupes étant étendues, on peut se rendre compte que les lésions ne sont pas généralisées, comme il arrive, par exemple, après irradiation, troubles alimentaires, etc., mais localisées en des fusées irrégulières à travers la glande génitale.
L'expérience acquise au cours de travaux sur les glandes génitales d'animaux par un histologiste français spécialisé dans ces questions, indique que c'est exactement ce qui se produit quand on a injecté dans le testicule des substances toxiques ou irritantes, dans le but d'arrêter la spermatogenèse. La disposition en fusées irrégulières - au hasard de la diffusion d'injection - est tout à fait caractéristique.
De toute manière, on peut affirmer qu'il s'agit là d'injections intra-parenchymateuses et que ces injections ont été pratiquées un temps assez long avant que les individus aient été sacrifiés : un temps qui semble avoir varié de quelques jours à quelques semaines, à en juger par la durée que mettent habituellement de semblables préparations à se résorber.
Le but de ce travail semble avoir été d'étudier les toxiques capables de produire la stérilisation. Il est toutefois impossible d'identifier la ou les substances employées. Il est à noter que le volume de deux préparations coupées en totalité et au milieu, comparé à des coupes analogues de testicules de suppliciés adultes, montre qu'il s'agit de testicules de deux enfants de 13 à 14 ans, ce qui est confirmé par le fait que les tubes non atteints par le toxique sont au tout premier début de la spermatogenèse pour l'un, encore aspermatogène pour l'autre.
Ces expériences n'ont certainement pas été indolores, en supposant que l'expérience ait été faite sous anesthésie ; il est évident que la réaction d'oedème et de congestion a été douloureuse.
L'origine de ces coupes histologiques reste assez mystérieuse. Comme on voit des traces cicatricielles sur certaines, il est exclus que ces dernières proviennent des victimes juives du Struthof qui y sont restées bien trop peu de temps; il paraît logique de supposer que ces coupes proviennent d'expériences de stérilisation sans lien avec le gazage.
7 - Lettres de médecins allemands
Procureur du Tribunal civil de Stuttgart
Nr 4417.
Confidentiel Stuttgart - O, le 15 juillet 1942
Urgent Timbre de l'Institut Anatomique de
L'université du Reich de
Strasbourg (hôpital civil)
Nr 236/42
Entrée : le 16 juillet 1942
Aux Instituts anatomiques de
Tuebingen,
Heidelberg,
Fribourg-en-Br.,
Strasbourg/Alsace
Sans annexe.
A l'avenir, il y a lieu d'envisager des exécutions plus nombreuses que précédemment. En conséquence, je vous serais reconnaissant de me faire connaître dès que possible combien de cadavres votre voiture pourra charger à l'avenir, en tenant compte de ses capacités.
Il serait donc à souhaiter que le nombre de cadavres indiqué par moi ci-dessus puisse être augmenté, ceci me permettrait, pour les nombreuses exécutions, de ne faire appel qu'aux voitures de trois instituts anatomiques seulement.
Signé : ILLISIBLE
_ _ _ _ _ _ _ Maison de santé régionale
Löautrchingen (Lorraine)
Réf. : D.L.P. 13.178 Löautrchingen, le 8 septembre 1942
Monsieur le Professeur Dr. HIRT,
Institut Anatomique, à Strasbourg
Hôpital civil
Monsieur le Professeur,
Je reçois à l'instant de la part des autorités compétentes l'autorisation de faire le nécessaire à présent pour que, le cas échéant, les transports de cadavres puissent être effectués à votre Institut.
Heil Hitler !
Le Commissaire-gérant de la Maison de Santé,
Médecin-Chef,
Signé : ILLISIBLE
_ _ _ _ _ _ _ Confidentiel 17 juillet 1942
Au Procureur du Tribunal civil de Stutgartt.
Oberstr., 18,
Stuttgart/O.
Concerne : v/ lettre du 15-7, n° 4417
La voiture des pompes funèbres commandée par moi n'a pas été livrée jusqu'à présent. Mais étant donné que, d'une part, l'Institut anatomique de Strasbourg n'a pas encore de cadavres utilisables à sa disposition et que, d'autre part, il y a lieu d'envisager un important arrivage de cadavres, le transport par chemin de fer serait à envisager. Dans ce cas, il serait certainement intéressant de prendre un wagon. La voiture commandée par moi ne pourrait prendre plus de 4 cadavres.
Le Directeur de l'Institut Anatomique :
Signé : ILLISIBLE
_ _ _ _ _ _ _ Le Procureur général Karlsruhe, le 11 mai 1944.
4417-56 Herrenstrasse, 1
A l'Anatomie de l'Université de Strasbourg (Alsace).
Concerne : mesures concernant les exécutions.
Au bagne et à la prison de Bruchsal, les condamnations à mort seront prochainement exécutées. Les cadavres en résultant seront à mettre à la disposition d'un institut anatomique. Veuillez me faire connaître le nombre de cadavres qui seront pris en charge par votre institut et s'ils peuvent être cherchés au bagne et à la prison de Bruchsal.
P. p.,
Signé : ILLISIBLE.
Légalisé,
Signé : RITTER,
Employé de justice.
Les documents utilisés pour établir ces témoignages sont les suivants :
1. SCHAEF :
a. Dossier transmis le 12 janvier 1945 par le major G. Shapp ;
b. Dossier transmis le 2 mars 1945 par le major G. Shapp.
2. Rapport du chef d'escadron Pavart, en date du 1er fév. 1945.
3. Rapport d'un fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, en date du 31 janvier 1945.
4. Rapport du Dr Rislter, en date du 15 mars 1945.
5. Rapport du secrétaire général de la Police pour le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, en date du 26 février 1945.
6. Déclaration signée de M. Sylvain Zanetti, en date du 20 décembre 1944, qui reçut les confidences d'un S.S. du camp de Struthof durant l'occupation.
7. Déclaration signée de Léopold Steiner, voiturier du camp de Struthof durant l'occupation.
8. Déclaration signée de Ernest Idouz, fermier à Struthof.
9. Déclaration d'Herbelin Louis, domicilié au Havre, évadé d'Allemagne, qui travailla comme prisonnier au camp de Struthof.
10. Déclaration reçue le 21 janvier, à 14 heures, par le lieutenant Day, au 5ème bureau de l'Etat-Major de la 1ère Division Française Libre.
11. Déclaration signée de Schinger Albert, chauffeur au camp de Struthof, demeurant à Natzwiller, datée du 22 janvier 1945.
12. Déposition en date du 22 janvier 1945, de Jean Ehrardt, ancien gardien au camp de Struthof.
13. Rapport en date du 24 mars, du chef du S.R. du F.N. (région d'Alsace) Robert Baillard, relatant l'audition du témoin Martin Winterberger, ancien détenu de Struthof, évadé en août 1942, actuellement à la 1ère D.F.L.
14. Déclaration de Mlle Edith Schmidt, assistante du docteur Van Haagen, signée du 9 janvier 1945.
15. Il semble que le docteur von Haagen ait usé de procédés d'intimidation analogues envers ses subordonnés. C'est ainsi que d'après le témoignage de l'architecte alsacien qui construisit les cuves à cadavres de l'Institut d'Anatomie, il aurait menacé un de ses préparateurs de le «coller au mur» s'il parlait.
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